Une théorie philosophique est naturaliste quand elle se fixe l’objectif de n’utiliser dans ses analyses que des concepts et des principes compatibles avec ceux des sciences de la nature. Joëlle Proust, « Naturalisation », in Vocabulaire de sciences cognitives, Paris, PUF. Les recherches de Fabrice Clément tentent de mettre à profit les interactions propres au « triangle interdisciplinaire » dans lesquelles il inscrit ses réflexions. Elles peuvent donc être catégorisées en fonction de la manière dont philosophie, sociologie et psychologie jouent le rôle de « source » ou de « cible » de son questionnement. Une part importante des réflexions de Fabrice Clément vise à appliquer la puissance analytique de la philosophie à certaines notions clés des sciences humaines. Ce travail conceptuel a notamment été mis à profit dans son livre, Les mécanismes de la crédulité. Il a également permis une analyse critique de l’utilisation de la notion de croyance par l’individualisme méthodologique [PDF5]. Des travaux en cours visent à préciser la notion d’habitus, qui pourra par la suite faire l’objet d’études empiriques. Au sein des sciences cognitives, les liens entre la philosophie de l’esprit et la psychologie sont étroits. C’est dans ce cadre que s’inscrivent les travaux sur l’ontogenèse de la conscience, qui interrogent les données de la psychologie du développement à la lumière d’un analyse philosophique [PDF7, 16]. Les liens entre psychologie et philosophie ont également fait l’objet d’une réflexion spécifique [PDF3]. Une introduction plus générale sur la philosophie de l’esprit contemporaine a également été proposée [PDF4]. Il est enfin un domaine qui occupe un rôle de plus important dans la réflexion de Fabrice Clément : la philosophie des sciences sociales. En 1996 déjà, il publiait une réflexion sur l’usage de la notion wittgensteinienne de « forme de vie » [PDF2] puis, avec Laurence Kaufmann, une présentation critique de l’ontologie sociale de John Searle [PDF1]. Ces réflexions se poursuivent et, toujours en collaboration avec Laurence Kaufmann, il prépare un numéro de la revue de sciences cognitives Intellectica intitulé « Culture and Cognition ». Ce volume prometteur regroupe les contributions de chercheurs comme R. Nisbett, M. Tomasello, P. Harris, P. Jacob, J. Zlatev, L. Quéré, C. Valsiner, P. Engel ou encore L. Hirschfeld. Cette collaboration avec Laurence Kaufmann a également débouché sur un livre, Le Monde selon John Searle, qui vise à montrer la cohérence – et certaines faiblesses – de la pensée du célèbre philosophe américain. Dans le cadre de son approche « naturaliste », Fabrice Clément pense qu’il est utile et heuristique de rapprocher la sociologie et l’anthropologie de la psychologie. Il prend le risque de ne pas faire trop de cas des barrières disciplinaires, persuadé qu’une meilleure compréhension des mécanismes cognitifs et affectifs impliqués dans les activités sociales permet de mieux comprendre certains phénomènes collectifs. Il a ainsi appliqué cette stratégie à son livre, Les mécanismes de la crédulité. Par ailleurs, en utilisant les résultats de recherches menées en psychologie évolutionniste et en psychologie du développement, il a proposé une hypothèse sur les mécanismes cognitivo-affectifs qui sous-tendent les processus de conversion religieuse [PDF 8]. En anthropologie cognitive, il a également proposé une théorie visant à rendre compte de la quasi universalité du phénomène de la sorcellerie [PDF 9]. Dans l’optique de mieux comprendre les phénomènes de crédulité, Fabrice Clément s’est par ailleurs engagé dans des recherches empiriques en psychologie du développement. Il étudie les modalités avec lesquelles les enfants acceptent ou refusent les informations qui leur sont communiquées par autrui. Ces recherches, qui se poursuivent actuellement, ont déjà montré que l’enfant n’est de loin pas une « éponge culturelle » avalant sans broncher tout ce qui lui est transmis par son environnement [PDF 13, 12]. Si la philosophie et la psychologie représentent de solides alliées pour les sciences sociales, l’importance explicative de ces dernières n’est pas à négliger. Ainsi, dans Les mécanismes de la crédulité, Fabrice Clément pose les bases d’une « architecture sociale de la crédulité »: certains types d’agencements sociaux favorisent en effet la diffusion et l’acceptation des représentations sociales. Cette conception, qui insiste sur l’aspect de « mise en scène » propre aux institutions de transmission culturelle, doit d'ailleurs beaucoup à son ancien professeur Georges Balandier. Mais la sociologie est également à même d’enrichir le savoir des « sciences de l’esprit ». C’est l’objectif du projet de recherche, financé par le Fonds National pour la Recherche Scientifique suisse, consacré à l’étude des compétences sociales précoces. Une série d’études empiriques mettant en œuvre la méthodologie propre à la psychologie du développement vise à montrer que les jeunes enfants sont à même d’effectuer des inférences sociales complexes sans nécessairement recourir à une « théorie de l’esprit ». Cette recherche, selon Laurence Kaufmann et Fabrice Clément, ouvre des perspectives qui remettent en cause certains postulats de la psychologie du développement [PDF 11, 15]. |
||